mercredi 14 novembre 2007

La Gravité

La gravitation a toujours constitué un sujet de grand intérêt pour l'humanité. Sa nature omniprésente et "immatérielle", presque "magique", en est peut-être la raison profonde. Avant la révolution newtonienne, la gravitation était assimilée à une propriété intrinsèque des corps. Selon les conceptions aristotéliciennes, la nature était composée de quatre éléments fondamentaux : l'air, le feu, l'eau et la terre. Chacun de ces éléments possédaient en eux-mêmes les principes qui présidaient à leurs mouvements. Ainsi, le feu, de même essence que les astres, cherchait-il à rejoindre ses derniers ce qui lui imprimait naturellement un mouvement ascendant. A l'inverse, la terre, et tous les corps composés à partir de cet élément, tendaient-ils à se déplacer vers le sol. L'image du Monde que nous renvoie la philosophie d'Aristote et de ses prédécesseurs est celle d'un univers hiérarchisé, constitué de niveaux de perfection croissants, allant de l'imperfection (la Terre) à la perfection absolue des Dieux (les astres). Dans cette vision du monde en forme de pelures d'oignon concentriques, la Terre occupait donc nécessairement la position centrale.

La mécanique newtonienne et classique a jeté un éclairage rationnel sur la gravitation, l'intégrant au grand édifice des lois de la nature. La gravitaiton y jouissait même du statut de loi universelle. A l'aide d'une formule très simple, l'Homme pouvait dès lors calculer la trajectoire des planètes et bientôt celle des satellites artificiels. Cependant, les bouleversements qui ont frappé la physique du XXième siècle - la relativité et la mécanique quantique - n'ont pas épargné notre vision et notre compréhension du phénomène gravitationnel. De force universelle, la gravitation a été "reléguée" à une simple manifestation de la courbure d'un espace-temps relativiste "élastique" pour finalement se dissoudre dans les incertitudes et l'indéterminisme de la physique quantique. Aujourd'hui, trois siècles après la publication des Philosophiae Naturalis Principia Mathematica (Principes mathématiques de philosophie naturelle) de Newton, il est tout à fait légitime de se poser la question de la nature profonde de la gravitation. Après tout ce chemin parcouru par l'aventure scientifique, cette question revient avec encore plus de résonnance : qu'est-ce que la gravitation ?

A titre d'introduction à la gravitation newtonienne, je vous propose l'extrait d'un article paru dans le magazine scientifique La Recherche La Recherche (numéro de novembre 1997) intitulé La Gravitation. L'auteur de cet article est Stéphanie RUPHY, journaliste à La Recherche, avec la collaboration de
Jean-Marie Lévy-Leblond, professeur de physique à l'université de Nice.

Pourquoi les corps tombent-ils ?


Pa
rce qu'ils sont attirés par la Terre. C'est la manifestation la plus familière de la force de gravitation, l'une des forces fondamentales à l'oeuvre dans l'Univers. Quand elle est exercée par la Terre, cette force attractive est souvent appelée gravité ou pesanteur. On doit à Galilée la première théorie physique de la chute des corps. Auparavant, l'explication aristotélicienne prévalait depuis près de deux mille ans. Elle s'inscrivait dans la conception d'un monde hiérarchisé, formé de lieux différenciés. Dans le monde sublunaire, ce qu'on nommait «gravité» était une qualité des corps lourds qui tendaient à rejoindre leur «lieu naturel» au centre de la Terre, identifié à celui de l'Univers. Les corps légers, comme le feu, se mouvaient, eux, naturellement vers le haut. Galilée montra que si l'on fait abstraction de la résistance de l'air, tous les corps, lourds et légers, tombent vers le sol avec une même accélération (on sait aujourd'hui que cette accélération vaut environ 9,8 mètres par seconde carrée). Galilée aurait vérifié expérimentalement cette loi, à plusieurs reprises, en lâchant du haut d'un édifice des poids inégaux : les poids venaient heurter le sol pratiquement au

même instant. Il réalisa également de nombreuses expériences de boules roulant le long de plans inclinés. Toutes ces expériences lui permirent de saisir correctement la relation entre force et mouvement : seule l'application d'une force peut modifier l'état demouvement d'un corps. En l'absence de force, cet état reste inchangé et le corps garde un mouvement rectiligne uniforme ou reste au repos (c'est le principe d'inertie). Mais la relation entre force et mouvement demeurait qualitative chez Galilée. C'est Newton qui en donnera une version quantitative dans ses Principes mathématiques de philosophie naturelle parus en 1687, sous la forme de sa

seconde loi du mouvement : l'accélération d'un corps est proportionnelle à la force imprimée et s'effectue dans la direction de la droite d'action de cette force. Cette loi est inséparable de deux autres lois énoncées par Newton (la première reprend le principe d'inertie galiléen, la troisième stipule l'égalité de l'action et de la réaction) et l'ensemble de ces trois lois du mou-vement ouvrira la route vers la loi de la gravitation universelle.

Que dit la loi de la gravitation universelle ?


Newton formule l'hypothèse audacieuse selon laquelle la Lune «tombe» sur la Terre de la même manière qu'un objet (une pomme par exemple...) tombe sur le sol. Mais en raison de sa vitesse initiale, la Lune décrit une trajectoire curviligne. Chute verticale et mouvement orbital sont donc des mouvements de même nature. Puis Newton étend cette hypothèse à tout corps céleste en orbite et aboutit à la loi suivante : «Deux corps quelconques s'attirent selon une force proportionnelle au produit de leur masse et inversement proportionnelle au carré de la distance qui lessépare». En combinant cette loi et ses lois du mouvement, il peut alors retrouver par le calcul les trois lois kléperiennes régissant le mouvement des planètes autour du Soleil. Newton achève ainsi d'abolir la frontière
aristotélicienne entre phénomènes terrestres et célestes. Sa loi de la gravitation devint universelle à double titre.

D'abord parce qu'elle s'applique à tous les corps. Ensuite parce que la notion de force attractive est adoptée comme hypothèse de principe dans toute la physique du XVIIIe siècle. Son domaine d'application déborde alors largement le champ de la mécanique céleste. Cohésion de la matière, interactions physico-chimiques, propagation de la lumière, etc., tous ces phénomènes doivent pouvoir s'expliquer selon Newton et ses successeurs en termes de forces attractives physiquement analogues à la gravitation et tout aussi mathématiquement explicables.

Ce n'est qu'avec la mise en évidence de la nature spécifique des forces électriques et magnétiques à la fin du XVIIIe siècle, puis des interactions au sein du noyau de l'atome au XXe siècle que la gravitation perdra ce caractère universel en ne devenant que l'une des forces fondamentales de l'Univers.



Comment s'explique le phénomène des marées ?


L'attraction gravitationnelle mutuelle de la Lune et de la Terre tend à les faire se rapprocher l'une de l'autre. Mais cette attraction est compensée par la force centrifuge de rotation de la Terre, comme de la Lune, autour de leur centre d'inertie. Au centre de la Terre, la force centrifuge et la force d'attraction exercée par la Lune se compensent. Mais ce n'est pas le cas en un point quelconque de la surface terrestre car les deux forces varient en sens contraire : plus un point est éloigné du centre de gravité Terre-Lune, plus la force centrifuge qu'il subit sera
grande, alors qu'au contraire l'attraction gravitationnelle exercée par la Lune décroît avec la distance.

Les deux forces ne se compensent donc pas à la surface de la Terre et leur différence est à l'origine des marées : au point A, la force centrifuge est insuffisante pour contre-balancer l'attraction gravitationnelle, A va donc tendre à se déplacer vers la Lune. Inversement, au point B la force centrifuge est plus grande que la force exercée par la Lune et B va donc tendre à s'en éloigner. Voilà pourquoi il y a sur Terre une marée deux fois par jour. Ce phénomène d'attraction différentielle affecte l'ensemble de la surface terrestre, mais seule la déformation des océans est facilement perceptible, la croûte terrestre étant trop rigide pour que sa forme soit significativement altérée. Cette déformation s'accentue lorsque le Soleil est aligné avec la Lune et la Terre et ajoute alors son effet de marée propre. C'est donc à la pleine Lune et à la nouvelle Lune que les marées sont les plus spectaculaires.

Quel rôle joue la gravitation dans les astres ?


C'est elle qui assure la cohésion des quelque 1057 atomes qui composent une étoile comme notre Soleil. Une traduction visuelle immédiate de ce rôle est la forme sphérique des étoiles, et plus généralement des planètes, satellites et autres astres de taille supérieure à une valeur critique de l'ordre d'une centaine de kilomètres. Les objets de dimension plus modeste, comme les astéroïdes, présentent au contraire des formes variées, souvent très irrégulières. Cette différence s'explique par la nature des forces qui assurent principalement la cohésion de la matière. Pour les petits corps, ce sont les forces électriques qui l'emportent. Ces forces étant à courte portée effective, elles sont indifférentes à la forme globale de l'objet. Alors que pour les plus gros corps, c'est la gravitation qui domine et impose une compacité maximale qui se traduit par une forme sphérique.

La gravitation gouverne toute la vie d'une étoile. Celle-ci se forme par effondrement gravitationnel d'un nuage de gaz : les particules, d'abord dispersées, s'attirent et se rapprochent. Cette contraction libère de l'énergie qui se convertit en énergie thermique et en rayonnement lumineux. La gravitation est donc pour une étoile une première source directe de rayonnement. Mais si c'était la seule, une étoile comme notre Soleil ne pourrait briller qu'environ trente millions d'années ! Grâce à l'énergie thermique libérée, température et pression de l'étoile augmentent à mesure qu'elle se contracte, jusqu'au déclenchement des réactions nucléaires. La gravitation assure ainsi un confinement suffisant du gaz au coeur de l'étoile pour que se produise la fusion de l'hydrogène en hélium, principale source du rayonnement stellaire. L'étoile se trouve alors dans un état d'équilibre hydrostatique où force de pression interne et gravitation se compensent.


ET POUR VOUS DONNER UN EXEMPLE:

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